Quelques pierres sur le chemin ..............Few stones on the way

La poignée d'un tabouret de bronze style lobi réalisé à Bobo Dioulasso en Aout 2013
La poignée d'un tabouret de bronze style lobi réalisé à Bobo Dioulasso en Aout 2013

Philippe Djian

 

Un potier qui fait un vase, c'est quand même plus beau qu'un écrivain en train d'écrire !

Paul Eluard

 

"Cette ligne blanche sur fond noir que nous appelons pensée..."

Coeur aventureux, de Ernst Junger

 

"Quelque chose qu'on pourrait appeler la valeur tactile de la couleur, une sensation d'ordre épidermique évoquant agréablement la pensée d'un contact...

Cette valeur tactile apparait surtout avec les couleurs très légères ou très lourdes mais aussi avec les teintes métalliques, et les peintres savent jouer avec ces correspondances que leur ouvre le domaine des sensations épidermiques tel Le Titien dans ses draperies ou Rubens dans ses nus dont Baudelaire parle comme d'oreillers de chair fraîche.

Nous goutons surtout de façon stéréoscopique les carnations, les transparences, l'argile cuite des vases ou la porosité crayeuse des murs de chaux.

Toute sensation stéréoscopique éveille en nous un sentiment de vertige, en nous permettant de de déguster jusqu'en sa profondeur une sensation sensible, dont nous n'avions d'abord connu que la surface.

 Entre la stupeur et le ravissement, comme en une chute heureuse, nous sommes saisis d'une émotion qui contient aussi une confirmation profonde : un léger frémissement court dans le voile mystérieux, le rideau de miracles de notre monde sensoriel. Il n'est pas de mets, à la table où nous sommes conviés, qui ne soit épicée d'une parcelle d'éternité.

Au cours d'une conversation sur des choses qui nous touchent profondement, les voix deviennent transparentes : par delà  le plan où les paroles s'accordent, nous comprenons notre partenaire selon un sens tout autre et qui l'emporte.

Nous sommes libres d'imaginer, plus loin encore, des points où cette clairvoyance n'est plus l'effet de moments d'exception où l'âme s'exalte, mais appartient constitutivement à quelque existence magnifique."

 

L'idée, de Jean du Bellay

 

"Si notre vie n'est rien qu'une journée

en l'éternel, si l'an qui fait le tour

Chasse nos jours sans espoir de retour,

Si périssable est toute chose née,

 

Que songes-tu mon âme emprisonnée ?

Pourquoi te plait l'obscur de notre jour

Si pour voler en un plus clair séjour

Tu as au dos l'aile bien empennée ?

 

Là est le bien que tout esprit désire,

Là le repos où tout le monde aspire,

Là le bonheur, la le plaisir encore...

 

Là, ô mon âme, au plus haut ciel guidée,

Tu y pourras reconnaître l'Idée

De la beauté, qu'en ce monde j'adore."

 

Giuseppe Penone

 

Pour réaliser la sculpture, il faut que le sculpteur se mette à son aise, qu'il s'allonge par terre en se laissant glisser, sans descendre trop vite, peu à peu, et enfin en position horizontale, qu'il concentre son attention et ses efforts sur son corps qui, en contact étroit avec le sol, lui permet de voir et de sentir contre lui les choses de la terre : il peut ensuite écarter les bras pour profiter pleinement de la fraicheur de la terre et atteindre le degré de tranquillité nécessaire à l'exécution de la sculpture.

L'immobilité devient alors la condition la plus évidente et la plus active : chaque mouvement, chaque pensée, chaque volonté d'action est superflue et indésirable dans cet état de glissement paisible et lent, sans convulsions pénibles, sans mots et sans mouvements artificiels qui ne feraient que compromettre la position agréablement obtenue.

Le sculpteur pénètre... et la ligne d'horizon se rapproche de ses yeux.

Quand il se sent enfin la tête légère, le froid de la terre le coupe en deux et lui permet de lire clairement et précisement le point qui détache la partie de son corps qui appartient au vide du ciel et la partie qui est en pleine terre. C'est alors que la sculpture arrive."

El desdichado, de Gérard de Nerval

 

"Je suis le ténébreux, le veuf, l'inconsolé,

Le prince d'Aquitaine à la tour abolie :

Ma seule étoile est morte et mon luth constellé

Porte le soleil noir de la mélancolie.

 

Dans la nuit du tombeau, toi qui m'a consolé,

Rends-moi le Pausilippe et la mer d'Italie,

La fleur qui plaisait tant à mon coeur désolé,

Et la treille où le pampre à la rose s'allie.

 

Suis-je Amour ou Phébus, Lusignan ou Byron ?

Mon front est rouge encore du baiser de la reine ;

J'ai révé dans la grotte où nage la sirène...

 

Et j'ai deux fois vainqueur traversé l'Achéron,

Modulant tout à tour sur la lyre d'Orphée

Les soupirs de la sainte et les cris de la fée.

 

 

Voyage d'une parisienne à Lhassa d'Alexandra David-Neel

 

"La lune se leva.Ses rayons touchèrent les glaciers, les pics vêtus de neige, toute l'immense plaine blanche et, dans la direction que j'allais prendre, quelques vallées inconnues que le gel argentait.

Le paysage impassible, contemplé dans la journée, paraissait s'éveiller sous la clarté qui le métamorphosait. De fugitives étincelles s'allumaient sur le tapis de neige, répondant aux éclats lumineux partant des cîmes, des murmures passaient, portés par le vent, d'indéchiffrables messages semblaient être échangés.

 


Les conquérants

 

Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal,
Fatigués de porter leurs misères hautaines,
De Palos de Moguer, routiers et capitaines
Partaient, ivres d'un rêve héroïque et brutal.

 

Ils allaient conquérir le fabuleux métal
Que Cipango mûrit dans ses mines lointaines,
Et les vents alizés inclinaient leurs antennes
Aux bords mystérieux du monde Occidental.

 

Chaque soir, espérant des lendemains épiques,
L'azur phosphorescent de la mer des Tropiques
Enchantait leur sommeil d'un mirage doré;

 

Ou penchés à l'avant des blanches caravelles,
Ils regardaient monter en un ciel ignoré
Du fond de l'océan des étoiles nouvelles.

 

José-Maria de Hérédia

 

 

Etoile de la Mer, voici la lourde nappe

et la profonde houle et l'océan des blés

et la mouvante écume et nos greniers comblés,

voici votre regard sur cette immense chape.

 

Présentation de la Beauce à Notre-Dame de Chartres

Paul Claudel